En règle générale, les noms des inventeurs de jouets restent inconnus. Même à l’époque moderne, malgré le dépôt des brevets d’invention, il n’existe guère de documentation et, généralement, les attributions d’origine sont collectives et non individuelles. Il est une fameuse exception qui mérite que l’on s’y attarde: l’Allemande Margarete Steiff, atteinte de la polio, qui
En règle générale, les noms des inventeurs de jouets restent inconnus. Même à l’époque moderne, malgré le dépôt des brevets d’invention, il n’existe guère de documentation et, généralement, les attributions d’origine sont collectives et non individuelles. Il est une fameuse exception qui mérite que l’on s’y attarde: l’Allemande Margarete Steiff, atteinte de la polio, qui à cheval entre le XIXe et le XXe siècle créa l’ours en peluche articulé. A Giengen an der Brenz, où il existe aujourd’hui un Musée Steiff, elle ouvre avec ses deux sœurs un atelier de couture pour dames. Elle y fabrique en 1879 de petits éléphants en feutre et laine, conçus comme des pelotes à épingles, et l’enthousiasme qu’ils suscitent auprès des enfants est phénoménal. «Les petits ne veulent alors plus se séparer de ces animaux tout doux. Car à l’époque, pratiquement tous les jouets étaient en matériaux durs, comme le bois ou la porcelaine; il n’était donc pas question de leur faire des câlins», apprend-on au musée de la maison de poupée de Bâle.
Elle développe son entreprise, qui acquiert une renommée toujours plus importante. En 1897, l’éléphant est utilisé comme marque déposée, car la concurrence ne cesse d’essayer de copier ses produits. Et c’est en 1903, après la confection de nombreux animaux de selle et de trait, qu’elle s’essaie à l’ours. «L’ours Martin, à la tête pivotante et aux membres mobiles, au pelage en peluche de mohair et aux yeux en boutons de bottine.»
La naissance de la «boîte à meuh»
C’est un Américain qui achète la première collection de Margarete en entier: 3000 pièces. Sans doute comprend-il avant tout le monde le potentiel de l’ours, animal si fortement intégré à la psyché des Etats-Unis. C’est d’ailleurs aussi en 1903 que naît là-bas le terme teddy bear. On la doit à une anecdote liée au président des Etats-Unis d’alors, Theodore Roosevelt, surnommé Teddy. Un incident survenu lors d’une chasse à l’ours dans le Mississippi est à l’origine de l’histoire. On aurait proposé au président, après une journée sans rien attraper, d’abattre un ourson blessé attaché à un arbre, afin qu’il puisse ajouter un trophée à son tableau de chasse. Roosevelt, outré, jugeant l’acte antisportif, refusa de tuer l’animal et ordonna qu’on le libère. L’expression «Teddy’s bear» fut immédiatement utilisée dans les caricatures de presse, et un commerçant de Brooklyn demanda la permission au président d’utiliser ce nom.
Steiff conservera longtemps un avantage qualitatif. On intégrera plus tard dans leurs ours un grognement, provoqué par un soufflet sur un papier-calque, qui se gonfle lorsqu’on le retourne. C’est l’invention de la «boîte à meuh», telle qu’on la connaît aujourd’hui pour reproduire le son de la vache. Dès 1907, Steiff vend dans le monde plus de 1 million d’ours en peluche. Bien après la mort de la fondatrice, dans l’entre-deux-guerres, l’entreprise, face à l’interdiction d’utiliser de la laine, remplira ses ours de papier. Et si l’ourson, «humanisé» par le petit ruban qu’il porte parfois et son regard protecteur, est tant aimé par les enfants, c’est qu’il représente un animal fort, qui pourra le défendre sans jamais se retourner contre lui. Oui, l’ours est aussi un genre de père. Et ceux de Steiff sont des objets de collection.
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